Beaucoup d'eau, chaude, du courantLes "100 KM 94"Nage avec Palmes
CHAUMONT sur LOIRE le 23 Avril 1994
Excellentes
conditions météo, du courant, beaucoup d'eau (à l2°)
, aucun banc de sable une course plus
facile que les années où îl n'y a que 75 km.
"Je reviendrai . ..". Didier SANJEU, patrick PODZIEMSKI
se sont tenus cette promesse l'année dernière,
lors d'une
étape de "galère". Et ils sont là.
Il est 6 heures du matin au pont de CHAUMONT. Des phares trouent la nuit,
les voitures se garent sur l'herbe du bas-côté.
Dans la pénombre glauque, on s'habille de tenues
collantes sous
la petite pluie. la LOIRE a baissé de
20 cm cette nuit, laissant des gadoues le long des berges. C'est bientôt
l'aube.
Jean DUCOEUR réunit les 59 partants pour donner ses
ultimes consignes.
Debout dans le lit de la Loire, on a du mal à
résister au courant. Le départ Didier
SANJEU lance un grand
cri de guerre Apache pour combattre jusqu'au crépuscule,
et lance sa grande planche dans le flot. Son canoé et
Patrick PODZIEMSKI sont à côté
de lui. Ils gagnent tout de suite le milieu du fleuve, cherchant le meilleur
courant, grîsé par toute cette étendue
d'eau lisse devant lui, Didier fonce comme au départ d'une petite traversée.
Voilà si longtemps qu'il attendait ce moment !
Pendant tous ses entraînements nagés à contre-courant dans
l'EURE,
lors des sprints dans la meute des traversées
d'hiver, il y pensait. Trop énervé
pour trouver le sommeil,
il n'a presque pas dormi.
Patrick PODZIEMSKI a pris
l'option d'emporter la totalité de son ravitaillement
sur son hydrospeed.
De toutes façons il n'a pas le choix, il n'a pas d'assistance.
Il porte sur son dos un petit réservoir qui contient
son "Athlon", qu'il pompe avec un
tuyau. Il s'accroche derrière Didier, comble l'écart,
revient ...
et Didier repart à nouveau. pendant
13 km, Didier fonce, ne voit personne devant. Il "mouline"
avec
un rythme très rapide, et déborde d'énergie.
PODZIEMSKI le suit dans un style beaucoup plus coulé.
La Loire est pleine. Sa largeur ne fait qu'absorber les
regards à l' affût des courants porteurs. Les nuages légers
se
teintent de rose. Des lucioles dansent sur les vaguelettes
c'est le soleil qui se lève derrière les nageurs.
Grâce à leur lutte, Didier et le "Pneu" maintiennent
un rythme élevé et creusent l'écart.
J'ai pris du retard au départ,
et ne parviendrai jamais à le rattrapper, malgré
le soutien moral de mon canoé d'assistance, parce que
je n'ai pas
véritablement la volonté de rne mobiliser
à 100% pour le combler. Didier SANJEU franchit le prernier l'étape
d'AMBOISE. La forme est là, le soleil chauffe,
le moral est au beau fixe.
Il a 2 mètres d'avance sur Patrick PODZIEMSKI.
Survient une ile qui divise la Loire en 2
PODZIEMSKI prend à gauche, tandis que Didier
préfére le petit bras
à droite.
Erreur : c'est une "bretelle"
sans courant. PODZIEMSKI qui le sait accélère tant qu'il
peut,
et quand les 2 bras se rejoignent, il a 500 métres
d'avance. Didier a beau forcer, il ne peut le
rattraper,
plus loin, Didier se fourvoie à nouveau
et largue 300 mètres de plus.
A AMBOISE, Bruno GALLIERO
et Catherine SANTOYO rejoignent les derniers 75
km "pour le plaisir"
ils ont raté le départ
d'une demi-heure, ils ne seront pas classés. Les femmes
de tête font une course serrée.
Diane de PORTZAMPARC ne fait qu'une
étape, et déchausse sa monopalme à AMBOISE,
4e à 4 ninutes de Didier SANJEU.
Catherine SANTOYO, Marie LUSSOU et Sophie ROANN nagent ensernble,
Françoise FOY et Bernadette ROBIN
suivent à portée de vue.
Deux moments d'émotion dans l'étape
AMBOISE-TOURS, 50 mètres de rodéo au passage du pont de MONTLOUIS,
et il faut vite sortir des
traitres contre-courants.
Encore plus "sportif'",
le passage du pont de la bibliothèque municipale de TOURS :
100 mètres de rapides où l'on plonge dans un train de vagues.
L'hydrospeed d'André MAY y perd tout
son ravitaillement; le canoé d'assistance de Didier
SANJEU dessale. Incident sans conséquence
pour Didier, qui a gardé 2 bidons sur sa planche. Le canoé
est transbordé en voiture jusqu'à LANGEAIS.
Didier commence à payer ses efforts, chaque
fois qu'il se retourne, il voit le canoé qui accompagne
Francis FEVRE.
Il pense qu'il sera rejoint, mais
s'accroche pour finir dans les 3 premiers. Didier garde une cadence élevée,
et se surprend
à tenir le coup,
mais Patrick PODZIEMSKI prend le large, et disparaît au loin.
Peu aprés TOURS, André MAY gagne du terrain
sur Françis Févre, n'en est plus qu'à
150 métres, quand le canoé
d'assistance de ce dernier lui apporte
un soutien inattendu Herve MOLINERO chausse ses palmes et se jette à
l'eau,
nage 2 kilomètres avec
André MAY, lançant de savantes accélérations
pour le fatiguer, puis, pour le décourager,
le dépasse et vient m'aider
de sa présence : "Tu vas essayer de me suivre". Ulcéré
par ce défi involontaire, je serre les
dents, augmente la cadence et reprend
l'avantage. Avec sa combinaison troués, Hervé termine
l'étape frigorifié et
sort à LÀNGEAIS avec
le sentiment du devoir accompli.
La ville de LANGEAIS donne sa coupe à patrick P0DZIEMSKI
mais il s'excuse de ne pouvoir s'attarder,
et repart vite pour la
derniére étape. les "Véterans"
sont classés à LANGEAIS, et c'est
André MAY
qui s'impose devant Chantal DESTRAS,
Robert MOREL, Françoise FOY, Bernadette ROBIN et
Francis FELIZOT. Aucun ne s'arrête,
ils veulent les 100 km.
Au sortir de LANGEAIS, la Loire a investi
de nouveaux territoires, et serpente dans un dédale
de petites îles boisées.
Dans ces arroyos
qui coulent entre les arbres, le courant est rapide Voyage au pays
des bayous de Louisianne.
On s'attend à
voir des alligators se prélasser sur les petites
plages de sable. perdus dans ce labyrinthe,
on déboule dans
le lit principal alors qu'on comrnençait
à désespérer.
Et enfin, on aperçoit la centrale au bout de
sa ligne droite. Encore 2 heures; la centrale
approche lentement,
lentement, lentement ... les
tendons des cuisses sont douloureux, le dos, les articulations
des épaules font mal....
maudite ligne droite ! Et la centrale
qui n' arrive pas! Que c'est long !
Enfin, on passe le virage de la centrale.
Délivrance ? Pas encore; voilà le dernier
pont qui arrive lentement,
l'entonnoir dans le
courant. Noyés près de la rive droite, des arbres
morts tendent leurs ossements vers le ciel.
Derrière une ile,
CHOUZE apparaît. Que c'est loin encore ! Les gens sont
tout petits sur le quai.
C'est la dernière ligne
droite, les 200 derniers mètres le long du quai, et
c'est fini. Enfin ! Plus rien n'importe que
de s'asseoir, de s'allonger sur le
dos sur les pierres du quai.
Patrick PODZIEMSKI remporte les
"100 km" en 9h45', précédant Didier SANJEU
de 12'.
Il a le triomphe modeste, PODZIEMSKI n'avait
pas d'assistance,
emportant sur son "Pneu" tout son ravitaillement
... ce qui est l' essence même du
grand raid.
Premier "Randonneur" de la course "AMBOISE-TOURS",
il fait une belle publicité au fabricant de son hydrospeed.
Troisième, je m'aperçois en sortant de l'eau
que ma monopalme est dechirée sur
25 cm. Peut-être les rapides de
TOURS ?
Le podium s'est constitué dans les 400 premiers mètres.
Quatrième, Chantal DESTRAS, termine très
fort, dépassant André MAY dans la dernière étape.
Elle a nagée
les 50 premiers km en monopalme. A Tours, elle la troque
pour des "bi", mais se sent si mal à l'aise qu'elle rechausse
sa queue de sirène à
LANGEAIS pour la dernière étape.
Robert MOREL est un redoutable finisseur lui aussi; il dépasse
André MAY(6ème) dans la dernière étape
et termine sur les talons de Chantal DESTRAS,
à la 5ème place, comme l'année précédente,
splendide résultat d'un homme de 57 ans!
Il y a 6 femmes dans les 12 premiers, soit la moitié, alors qu'elles n'étaient que le cinquième des partants.
Jean-pierre SANJEU, 56 ans arrive 19ème,
1h44" après son fils Didier. Il rayonne de joie, quand il apprend
que Didier est 2ème.
Sophie ROANN résume cette course immense
:
"C'est un grand raid qu'il faut préparer physiquement,
matériellement et moralement. Un but arriver. Trouver
dans ces eaux imprévisibles et sauvages
un endroit pour rêver, puiser sa force, oublier, établir sa propre
performance"
Françis FEVRE
Le dernier "Grand Raid" des "100 km de la Loire"
Le 20 Avril 1996 à l'issue de la Traversée de la Touraine
Jean DUCOEUR a annoncé que les l00 km de la Loire,
c'était terminé.
Trop peu de monde, l'organisateur ne rentre pas dans ses frais.
Il n'y avait que 29 partants, 2l à l'arrivée.
Bancs de sable, peu d'eau, trés peu de courant. Mais un temps merveilleux
Un radieuse journée, pas de vent. pas de vagues. Une ambiance extraordinaire,
amicale et fraternelle.
Trois raisons expliquent cette faible participation :
- manque d'eau,
- concurence, liée à des problèmes de calendrier,
- problèmes financiers.
Et aussi peut être, un problème
lié à la définition de la course.
Manque d'eau
La course se situe
trop tard dans la saison. Vers le 20 Avril, la hauteur d'eau est inférieure
à 1 métre sur une
grande partie
du parcours. L'ensablement de la Loire est un phénomène naturel,
son cours n'est plus dragué
(La Loire
était naviguable au début du siècle).
Solution
Décaler la course en Mars. Il y aurait de l'eau. On limiterait l'opposition
des "écolos". Le froid n'est
pas un problème avec les planches, puisque l'on peut employer une
combinaison épaisse sans pénaliser
les performances.
Concurence et problèmes de calendrier
Ce rnême week-end étaient organisées en même temps
que la traversée de Touraine,
la Randopalme des 2 centrales, la traversée des 17 écluses, le
Championnat d'ile de France.
Par ailleurs,des épreuves du même type s'organisent, d'autres CD
veulent organiser leur traversée du
département..
solution : concertation. Pourquoi ne pas établir un challenge national des grands raids ?
Problèmes fînanciers.
Course chère pour l'organisateur comme pour les participants.
Course chère pour les participants
Prenons le cas d'un nageurs qui veut faire la traversée en monopalme
Il devra organiser
sa propre assistance : un kayak éclaireur-ravitailleur (l
ou 2 personnes) et 1 personne pour
remonter la voiture à l'arrivée..
Cout global de 1500 à 2000Fr.
Choix logistique
Fabrice LECLERC, le premier qui ait nagé (et gagné)
en mono (1987) avait pour seule assistance,
son père qui le suivait en voiture et le ravitaillait aux étapes
(25 km).
Remarque : Trés dur. Il faut un trés haut niveau et
une santé;
rares sont ceux qui parviendraient à terminer en faisant comme lui!
André NAESSENS. second vaiqueur en mono (en 1988 et 1989) avait
son propre
pneumatique d'asssistance. Se ravitallait toutes les 20 minutes.
Jean Louis MAILLET. 3ème vainqueur en mono (en 1993) Avait
un kayak pour l' assister,
qui le ravitaillait toutes les 20 minutes.
Patrick PODZIEMSKI vainqueur en 1994 et en 1996
Pas d'assistance.
Emporte tout son ravitaillement sur son hydro.
Course chère à organiser
Pour l'organisateur, une dépense importante est liée aux bateaux.
En 1996, pour seulement 29 palmeurs,
il y avait une dizaine de pneumatiques omniprésents avant Tours,
invisible aprés.
Beaucoup des bateaux ont endommagés leurs hélices sur les bancs
de sable.
Cout de l'assistance d'un pneumatique
carburant : 40 litres d'essence (250 à 300 Fr); nourriture
et hébergement de 2 pilotes;
voiture suiveuse pour amener la remorque à l'arrivèe.
Rajouter éventuellement :
1 hélice : 1000fr (cas très fréquent : la moitié
des bateaux ).
Si la pompe à eau a avalé du sable : 1000 Fr
(éventuellement casse du moteur). Et parfois quelques accrocs sur les
branches noyées.
On a vu,en 96, une assistance sur dimensionnée, dont la moitié était hors d'usage dès la première étape :De l'utilité de l'assistance.
L'assistance remplit usuellement 3 missions : ravitailler, secourir, guider.
Ravitailler. un pneumatique ne peut ravitailler que 5
nageurs au maximum. Mais encore faut il qu'ils restent groupés.
Dans une course comme la Loire, les nageurs peuvent être étalés
sur 20 km. En 96, la moitié des bateaux ont
eu des avaries d'hélice dès la premiére étape :
problème pour ceux qu'ils devaient assister.
Moralité mieux vaut prendre tout son ravitaillement
sur sa planche. Il suffit de 3 litres de liquide énergétique
(genre ISostar, Athlon), et une dizaine de barres de céréales.
Secourir. Assister un blessé? Il faut être
averti, intervenir rapidement.
Les risques de noyade ? Nuls avec une planche.Blessure en heurtant une
branche, un fer à béton?
Ces risques sont limités au passage de certains ponts. S'il ya des passages
dangereux, ils peuvent être signalés
sans recourir aux bateaux. il n'y a que 2 passages à risques le pont
Napoleon à Tours, et le pont de Montlouis.
La course s'étale sur 20km, l'intervention est rarement immèdiate
avec un pneumatique.
Guider : Quand l'eau est basse les monopalmes ont
besoin d'être guidées. Quand elle est haute, on passe partout.
certains passages peuvent être indiqués avec une bouée.
Un cannot, une plate sont mieux adaptés
qu'un pneumatique.
Conclusion Les pneumatiques sont oblîgés
de naviguer à vitesse réduite. Très difficile avec le manque
d'eau de faire
la navette entre les nageurs. Assistance par pneumatiques peu efficasse, bruyante
répend des senteurs d'essence
peu "écologiques" ce qui ne cadre pas avec l'esprit de la course. Les
canoés ont l'avantage d'être inodores,
silencieux adaptés pour l' escorte. Oui, mais voilà : "l'
hydro" et la "planche" peuvent se passer d'escorte.
Autonomes et surs ils permettent de voir et d'être vue.
Solution
Repenser l'assistance . Par souci écologique, limiter
l'accès des bateaux à moteur.
Préférer des canoés avec téléphone
mobiles. Deux jetski, et un poste de secours mobile, par la route.
Problème de définition de la course
Lancée au dèpart comme un raid extrême, la Loire est devenue
une course "civilisé" . Au début,
trés peu raliaient l'arrivée. Lors de l'édition 1996,
les 3/4 sont allées au bout : nageurs mieux entrainés,
et course moins dure.
Par définition, une course de "grand raid" telle que la traversée
d'Indre et Loire n'est pas une
Course grand public.
Pourtant, il ya eu jusqu'à 180 participants même si seulement
20% d'entre eux arrivaient au bout.
Alors il est nécessaire de tamiser les participants. Une solution serait
d'imposer des temps de passage :
4h00 pour la premiére étape, 8h00 pour la seconde, etc...
Ceux qui ne sont pas dans les temps devront s'arrêter à
l'étape, cela pour éviter de devoir les repêcher.
Imposer une stratégie de ravitaillement :
ravitaillement aux étapes, ce qui simplifie la logistique. Et si possible,
tout emmener sur sa planche.
Limiter au minimum le rôle des pneumatiques. Ravitaillement par kayak,
ou aux étapes, comme Fabrice Leclerc.
Une association planche-mono est d'ailleurs possible pour le ravitaillement.
Emporter 7-8 kilos n'est pas pénalisant pour une grande planche.
Le "Grand Raid" est marqué par un esprit commando. Beaucoup de passages
ne sont pas balisés.
Doivent-ils l'être ? Un bon, entrainement, une excellente préparation
sont indispensables.
Raid-commando "écolo" : l'esprit du raid est de partir sans
assistance, livré aux caprices de la nature,
en emportant tout son ravitaillement avec soi, comme l'a fait Patrick Podziemski,
vainqueur en 1994 et en 1996,
sur son "pneu" (un gros hydro rondouillard).
Françis FEVRE